Si tu savais comme tu me manques. Je réalise, à 36 ans, que j’ai passé ma vie à te chercher. Où as-tu pu te cacher durant tout ce temps ? Où était ton rire, lorsque j’étais heureuse ? Tes larmes, lorsque j’étais en peine ? Aujourd’hui, cette quête me semble vaine. Comme si tout était perdu. Je sais bien que tu as ta place, tu l’as toujours eue.
J’ai toujours été trop timide. Cela rend les échanges avec les autres contraints, empêchés, trop brusques parfois. Je ne sais pas faire autrement. Depuis toute petite, j’ai intégré qu’il valait mieux s’effacer sur la grande route du monde… Depuis toi.
Où es-tu ?
Je t’ai cherchée dans les bibliothèques où j’ai voulu penser ma solitude peureuse du monde. Dans l’odeur ancienne des livres restés fermés trop longtemps, dans l’écume des mots penchés sur la page, et qui racontent des histoires à vivre dehors. Je t’ai cherchée sur ces bords de mer déserts. Quand la saison est maussade, et que l’océan éclabousse la vue parce que le vent est en colère.
Je t’ai cherchée dans les bras des quelques hommes qui ont croisé ma route discrète. Sur le bord d’une poitrine endormie, perdue dans le sommeil d’après l’amour.
Je t’ai cherchée dans les reflets dorés d’un thé matinal, quand le givre dévorait la vitre de l’appartement parisien et que je goûtais l’aube tranquille depuis la fenêtre.
Je t’ai cherchée comme j’ai toujours cherché l’amour. Petite, quand tu étais moi, on regardait ensemble la feuille dorée tomber de l’arbre à l’automne. Cette pluie de lumière improvisée dans le soleil me ravissait. On allait marcher le long du canal avec Sébastien. Il me tenait la main en me racontant le monde. Il était le meilleur des grands frères. Près de lui, j’ai appris les mots qui font du bien et l’amour simple comme une tasse de chocolat quand le cœur se met à pleurer… Il m’a consolée de ces parents absents qui n’ont jamais compris ce qu’ils venaient faire là avec ces enfants venus d’ils ne savaient où.
Sébastien m’a appris à te chercher. Pas à te trouver. Lui se baladait toujours avec sa version plus petite. Il me paraissait si grand… J’attendais ses visites avec impatience, mais il habitait loin, à Paris… Et puis il s’est marié. Je suis restée là, avec mon enfance trop petite, brusque, des avalanches de questions dans le cœur. Et trop peu de douceur pour alléger les soirées de silence lourd dans la maison.
J’avais décidé que ce n’était pas si grave. Que je finirais bien par partir, moi aussi. Que cela prendrait juste un peu plus de temps. Et me voilà. Presque trois décennies plus tard. Marchant sur une plage déserte, celle que j’ai toujours dans la tête lorsque je veux m’évader, me sortir d’un moment de vie trop convenu. L’échappée solitaire d’un moment pesant. Il faut bien cela pour arriver à reprendre son souffle.
Où se trouvent les clés ? Le chemin vers toi ? J’ignore pourquoi je n’ai jamais réussi à te trouver. J’ai besoin de ta lumière. Je pense qu’au fond, tu es une petite fille terriblement joyeuse. Mais je n’en suis pas sûre… J’ai appris quelque chose d’important il y a peu de temps. Il n’y a que lorsqu’on ferme certaines portes que d’autres peuvent s’ouvrir. Cela nécessite un effort conscient, courageux. C’est renoncer à ce qui ne nous convient pas. On n’est pas fait pour tout le monde, mais pour un petit nombre de personne bien restreint. Des gens qui sont sensibles à notre énergie, qui les rend heureux. Notre lumière particulière les éclaire et les réchauffe. On est responsable de trouver ceux qui savent la voir et la reconnaître. Et j’ai compris que pour te trouver, il allait falloir fermer une porte. Le défi, c’est de trouver laquelle…
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